Nous arrivons donc au Cambodge et, comme on a passé la frontière en moto-taxi (les bus étant aussi chers et vu que tout le monde arrive en même temps, passer la douane prend des plombes), nous pouvons leur dire où nous déposer à Kampot. On avait donc choisi en avance une guest-house excentrée de la ville, de l'autre côté du fleuve Bassac, un peu en amont. Arrivés à destination, grosse déception. Les bungalows que l'on pensait au bord de la rivière sont plutôt proche de la route, seul la pergola est au bord de l'eau. C'est tout étriqué, entre deux autres guesthouses, bref, on n'a pas envie de rester là. Lauranne a repéré une autre guesthouse à 100m de là en venant, nous allons y jeter un œil. Et là : « It's a trap ! ». Alors que nous ne voulions rester que 3 jours à Kampot, nous allons y rester 12 jours. Pourquoi me diriez-vous ? Et ben tout simplement parce qu'on se sent bien ici ; un peu trop même. Notre petit bungalow n'a peut être ni douche ni wc, le mobilier est composé d'un matelas par terre et d'une table dans un coin, la baie vitrée n'a peut-être pas de vitre, juste des bouts de bois pour empêcher de rentrer ou sortir par là, mais ici on est bien. Monté sur pilotis au dessus du fleuve dans lequel nous nous baignons régulièrement, la baie non-vitrée nous donne une superbe vue sur les palmiers sur la berge d'en face. Mais ce qui fait le charme de l'endroit c'est aussi les proprios. Tenue par Mama et sa famille, c'est eux qui font qu l'on se sent bien ici, et aussi que l'on mange délicieusement bien. C'est donc pour ça que lorsque l'heure du départ est arrivé, nous avons décidé de prolonger notre séjour... Par deux fois.
Mais bon, Kampot ce n'est pas seulement cette guesthouse. Et même s'il est vrai que nous avons passé pas mal de temps à lézarder allongés au bord du fleuve, il y a de belles choses à voir dans le coin.
Premièrement, il y a le poivre de Kampot. Primé plusieurs fois comme le « meilleur poivre du monde », il s'agit d'une IGP qui n'est donné que dans les districts de Kampot et Kep. Un couple belge s'est installé ici il y a 5 ans environs pour monter une exploitation poivrière à but lucratif mais pas trop. Estampillé ECOCERT, leur poivre se retrouve jusqu'en France dans les « maisons sérieuses » comme disait le proprio. C'est d'ailleurs lui qui a passé environ deux heures avec nous pour tout nous expliquer en détail. De l'origine du poivre (plante grimpante qui s'accrochait sur les troncs des arbres du Kérala au sud de l'Inde jusqu'assez récemment) à son utilisation d'abord médicinale par les chinois, puis son exploitation dans la région. On a goûté à tout : le poivre rouge, la crème de la crème, est récolté à la main, grain par grain sur les grappes, lorsque le grain tourne au rouge (indication qu'il est mûr). Un peu avant l'arrivée des pluies qui feront moisir le poivre, on récolte en vitesse tout ce qui reste, même si c'est encore vert.Une fois séché, on obtient le poivre noir que l'on connaît, bien fort en bouche. Mais si on fait tremper le poivre frais pendant trois heure dans de l'eau avant de le faire sécher, on obtient le poivre blanc, plus doux. Enfin, il y a le poivre vert frais récolté sur la plante, qui est tout simplement un régal lorsqu' utilisé pour faire des sauces. On peut noter deux catégories « hors concours » qui sont le poivre long (le poivre sauvage) et le poivre blanc des oiseaux. C'est un peu le même principe que pour le café et la martre au Vietnam. Bref, c'était une visite super chouette, le proprio super sympa et qui s'implique dans le village avoisinant. Avec sa femme, ils payent même un second salaire aux profs de l'école du coin pour qu'ils n'aillent pas travailler ailleurs l'après-midi comme certains faisaient pour arrondir les fins de mois.
Le poivre de Kampot, c'était plutôt pour moi, pour Lauranne on a eu le crabe de Kep. Kep est une ancienne ville coloniale française entre Kampot et la frontière vietnamienne qui a été désertée à l'arrivée des Khmers Rouges au pouvoir. Elle renaît de ses cendres petit à petit mais a une particularité assez troublante : elle est très grande. Il n'y a pourtant pas grand monde qui vit ici, mais tout est très étalé. Il n'y a pas de centre, pas de quartier, juste quelques maisons ou hôtels disséminés le long du littoral. En revanche, ce qu'il y a en quantité, c'est les crabes. Et eux aussi sont réputés au Cambodge. On les achètes pas cher sur le marché, où ils sont stockés dans des nasses qui sont elles mêmes dans la mer, et lorsqu'ils changent de main, ils sont encore vivants. Puis, de l'autre côté du marché, on trouve des gens qui vous les font bouillir dans de grands récipients sur un feu de bois.
De l'autre côté de Kampot se trouve un massif montagneux, le Bokor, qui culmine à 1200m d'altitude. C'est un peu long de monter la haut en moto, mais heureusement, la route a entièrement été refaite par un complexe hôtel-casino qui se trouve sur le plateau. Ici il fait frais, et Lauranne a regretté de ne pas avoir apporté une petite laine. Puisqu'il fait frais, les français, du temps de l'Indochine, se réfugiaient ici pour éviter la chaleur des plaines. On trouve donc pas mal de vestige de leur passage. Église en ruine, vieux casino tout délabré, et parfois des restes de murs de-ci de-là.
Le soir en rentrant, nous décidons d'aller voir le coucher de soleil sur l'île que se trouve entre les deux bras formés par le delta du Bessac lorsqu'il se jette dans la mer. Heureusement nous avons une moto car l'île est beaucoup plus grande que nous l'imaginions, et la route, bétonnée sur les premiers mètres, devient vite une piste de terre battue particulièrement riche en nid de poules. Cependant ça vaut le coup. La lumière rasante du soir est magnifique, d'abord sur les rizières, puis sur les marais salant que l'on trouve tout au sud de l'île. Un vieil homme rencontré au détour d'un virage nous apprend que l'île se termine au delà des deux mamelons que nous voyons au loin, et qui sont apparemment habités par les seules six familles de montagnards de l'île (comprenons nous bien, les « montagnes » ne doivent pas atteindre les 100m d'altitude). Mais, pris par le temps et le soleil qui se couche, nous nous arrêtons dans une volée de libellules pour regarder la fin du jour, le Bokor étant entouré de nuages aux couleurs magnifiques à cet instant. Nous n'attendons pas trop longtemps avant de faire demi-tour, la route qu'il nous faut faire en sens inverse est déjà suffisamment dangereuse pour ne pas avoir à la faire de nuit.
Un beau soir, au milieu de notre séjour ici, Lauranne a entendu parler d'une balade en bateau le long du fleuve pour aller voir les vers luisant qui illuminent par millier les arbres. Flairant l'arnaque, je l'ai laissée y aller seule. 1H30 plus tard, elle est revenue un peu déçue de la vingtaine de lucioles qu'ils avaient vu sur un arbre après une ballade en bateau, qui elle était très jolie. Elle a croisée dans ce bateau un couple qui lui a parlé du plus petit parc national du Cambodge, qui est celui de Kep. Nous retournons donc le lendemain là bas pour faire une balade qui consiste à faire le tour de la montagne. La ballade est sympathique, ombragée, et très bien balisée grâce à un café à l'entrée du parc qui entretient le balisage. Nous retrouvons les deux français au bout d'une demi-heure de marche et décidons de continuer la balade avec eux. C'était très chouette jusqu'à ce que je me fasse attaquer par un groupe de guêpes ultra-vindicatives, qui m'ont piquées pas moins de 5 fois en l'espace de 4 – 5 secondes, en fait juste le temps que je comprenne ce qui se passe et que je fuie à une bonne dizaine de mètres de là. Heureusement ce sont les seules bestioles un peu méchante que l'on a vu, à part un grand serpent qui a traversé la route lorsque l'on est sortis du parc. Les singes, eux, en revanche nous laisse tranquilles.
En discutant avec les autres filles de la guest-house, Lauranne s'est trouvé une activité qui lui plaît : le yoga. Ca lui plaît même tellement qu'elle veut en refaire à Siem Reap, la ville qui est à côté d'Angkor.
Mais pour l'instant on s'est promis de ne plus repousser notre départ, et donc, demain nous partons pour Battambang, vers la frontière thaïlandaise.